En Afrique, et particulièrement au Sénégal, le constat semble être le même, l’écosystème financier reste largement dominé par une finance classique strictement contrôlée par un système bancaire soumis à une série de règlementations rigides, offrant ainsi de faibles marges à l’écrasante majorité de la population qui se voit exclue des services financiers. L’Observatoire de la qualité des Services financiers (Oqsf), dans son rapport annuel 2023, faisait principalement état de l’évolution du taux de bancarisation strict (TBS) à 26% alors qu’il se situait à 13,0% en 2012. Au même moment, le taux de bancarisation élargi (TBE) a atteint 55% en 2023 contre 36,5% en 2012.
En dépit de ces évolutions relevées, il convient de souligner que l’accès aux services bancaires demeure une préoccupation majeure pour une bonne partie de nos concitoyens. Plusieurs raisons peuvent être avancées : faible niveau d’éducation financière, l’implantation géographiquement inéquitable des établissements bancaires sur le territoire national, la précarité des revenus de la plupart des ménages, la lourdeur et la complexité des procédures bancaires, l’exigence de garanties, le niveau élevé de risque de certains usagers et autres facteurs culturels et religieux.
Face à cette situation, la finance islamique, un des modes de financement en rupture avec le modèle dit classique, apparait comme une alternative capable de combler ce gap. Aujourd’hui, la promotion de l’inclusion financière est un défi majeur aussi bien pour nos Etats que les autorités compétentes monétaire de l’UEMOA (BCEAO).
Au regard de la diversité de ses produits (Mourabaha), Moudaraba, Ijara) et des principes religieux qui les caractérisent, la finance islamique est un outil puissant de promotion et de renforcement de l’inclusion financière au Sénégal. Elle propose des produits à la fois compétitifs et compatibles avec la réglementation locale et la Charia islamique, participe aussi à l’amélioration du taux de la bancarisation dans la zone de l’UEMOA. La finance islamique donne la possibilité aux populations « sensibles à l’éthique des produits », d’accéder aux crédits.
Dans un pays comme le Sénégal, où près de 95 % de la population est de confession musulmane, le développement de la finance islamique peut impulser sensiblement la vulgarisation de l’inclusion financière en intégrant une bonne partie de la population dont la plupart refusent les services financiers proposés par les institutions bancaires classiques en raison des croyances religieuses. La finance islamique encourage l’épargne éthique en proposant des produits avec un partage de profit (Moudaraba) à la place des intérêts. Elle a également la capacité de développer des réseaux de proximité, financer l’économie réelle et cibler les acteurs exclus du système bancaire classique.
Dans cette même dynamique, les instruments de microfinance islamique mis en place par certaines institutions comme Al Rahma pourraient constituer des outils particulièrement attractifs pour inclure une masse critique d’agents économiques – commerçants, groupements de femmes, acteurs agricoles – dans l’écosystème financier. Ce qui contribuera, sans doute, au développement de l’inclusion financière.
Des institutions financières internationales, à l’image de la Banque mondiale, reconnaissent le rôle crucial de la finance islamique dans la démocratisation de l’accès aux services financiers. L’institution de Bretton Woods estime que la « Finance islamique, très connectée à l’économie réelle, peut contribuer à l’amélioration de la stabilité du secteur financier. Elle peut aussi permettre d’intégrer au système financier formel ceux qui en sont actuellement exclus pour des motifs culturels ou religieux».
Pour faire de la finance islamique un levier de développement de l’inclusion financière, il est essentiel, pour les institutions financières, de relever le défi de la sensibilisation et de l’information au sein des populations. A cela s’ajoute la mise en place d’un cadre réglementaire plus attractif, moins contraignant et propice à l’éclosion des services financiers islamiques.